Definition de la chirurgie esthetique – Interviews

Sur le thème « Le Corps modelable à volonté », Elisabeth Azoulay, anthropologue, et Le professeur Maurice Mimoun, chirurgie plastique et esthétique à l’hôpital Saint-Louis (Paris) ont confronté leurs points de vues lors d’un débat.

Elizabeth Azoulay : Très récemment , j’ai dirigée un travail collectif avec 300 chercheurs de 47 nationalités. Nous nous sommes intéressés au corps humain et à tout ce qu’on lui fait subir depuis la préhistoire.

Ce travail se présente en 5 tomes, et cela se termine par une réflexion prospective sur le corps humain. Qu’allons nous faire de notre corps au XXI è siècle ?

Deuxième invité : je suis le Professeur Mimoun, je suis professeur des Universités, c’est-à-dire que j’ai une fonction de soins, d’enseignement et de recherches à l’hôpital de St Louis. Je suis chirurgien et reconstructeur et esthétique.

C’est un nom très long pour dire que je fais de l’esthétique mais aussi de la reconstruction et notamment je dirige un service de grands brûlés. Ces deux pans de mon activité qui paraissent différents mais qui se rejoignent par beaucoup de côtés.

« le corps se modifie par rapport à l’autre

et par rapport à lui-même »

Elizabeth Azoulay : Le corps modifiable à volonté , oui bien sûr le corps humain est modifiable à volonté, on voit depuis tout temps, et aussi loin qu’on puisse remonter, dans le travail qu’on a fait on est remonté jusqu’à moins 100 000 ans.

Professeur Mimoun : Je dirai même plus, pour moi c’est la différence entre l’homme et l’animal. L’homme modifie son corps , l’animal non.

E . Azoulay
: Oui, c’est vrai les hommes ne sont jamais avec leurs corps biologiques, toujours avec un corps fabriqué, mais pour introduire une petite nuance, le grand sujet aujourd’hui de tous les gens qui travaillent sur les origines de l’homme, c’est de se poser la question de la limite entre l’homme et l’animal.

On s’aperçoit qu’il y a des espèces évoluées qui modifient leur comportement quand on les regarde, ils friment.

Professeur Mimoun:
Il faut voir si c’est des comportements réflexes , c’est un vaste débat.

E . Azoulay : Oui , depuis toujours les êtres humains, les membres de la famille humaine, pas seulement les Homo sapiens, aussi les Néanderthaliens et quelques autres qui les ont précédés ont modelés leur corps.

Quand on a commencé à faire ce travail avec des préhistoriens , c’est une question qu’ils n’avaient pas vu car jusqu’à présent ils classaient les espèces humaines en fonction des outils, des armes et ils avaient l’impression d’avoir très peu de matériaux pour parler du corps.

Et les premiers éléments dont ils disposaient étaient des pigments colorés, et des minéraux parce que tout ce qui est végétal a disparu, qui étaient entreposés dans des grottes.

On est allé chercher ça à quelques kilomètres, ils les avaient bien entreposés, et ça date de moins 400 000 ans.

« Pendant très longtemps, l’homme ne s’est pas vu lui-même »

Professeur Mimoun : Le problème de la définition de l’homme. Qu’est- ce que l’homme ? Un homme se modifie.

E . Azoulay : Et puis il a une intention, il est parti chercher ses couleurs, ils les a extraites, entreposées, utilisées.

En fait, les vrais débuts de la modification des corps humains, on retrouve cela dans les civilisations et dans les cultures à partir de moins 100 000 années. Et on voit des corps absolument incroyables, avec des parures hallucinantes, des peaux de couleur, cela c’est très impressionnant.

Et donc les préhistoriens se sont progressivement aperçus qu’ils avaient en fait beaucoup d’éléments pour parler du corps humain.

Et puis après il y a le début de la figuration, c’est moins 30 000 ans. Et avec le début de la figuration c’est le début du portrait qui est un genre pictural qu’on va pas lâcher durant toute la période et on apprend des tas de choses, non pas sur ce que l’homme fait à son corps mais la manière dont il le voit , dont il voit celui de l’autre avec ce dont il est chargé, ça c’est vraiment passionnant.

Professeur Mimoun : Evidemment, le corps se modifie par rapport à l’autre et par rapport à lui-même. Mais pendant très longtemps, il ne s’est pas vu lui-même. C’est la question de reflet de son visage. Donc il se modifiait pour les autres pour des raisons qui sont mystérieuses et très variées.

E . Azoulay : P
as tant que ça , on arrive à comprendre quelques unes des motivations. L’une des motivations est la construction du genre, je pense qu’il y avait un enjeu important compte tenu de la liberté que possède les êtres humains, compte tenu de leur sexualité, et organisé ce à quoi devait ressembler un homme, et ce à quoi devait ressembler une femme.

Professeur Mimoun : Vous pensez que le modification du corps était uniquement pour que la femelle puisse se parer pour plaire au mâle ?

E . Azoulay
: Il y a une partie de ça , mais il y a aussi un risque que les êtres humains se détournent de la reproduction parce qu’ils ont une plus grande liberté que les autres animaux parce qu’il peuvent avoir une sexualité un peu tout le temps, parce qu’ils peuvent choisir l’homosexualité par exemple.

Professeur Mimoun : Je ne sais pas si modifier son corps, c’est uniquement pour séduire, la motivation peut évidemment…. La séduction peut en faire partie mais pas seulement, il y a aussi tout le rituel sacré qui rentre, tout l’aspect de dieu.

E . Azoulay :
Oui , évidemment c’est une des motivations . dans des sociétés sans écriture, de décliner sa biographie…

Professeur Maurice Mimoun :
C’est la première écriture.

E . Azoulay : Oui au travers des rituels, de dire, j’étais là, je suis marié pas marié, j’appartiens à tel groupe. C’est vrai que dans l’apparence il y a toute une écriture, de symbolique, qui permet de déchiffrer celui qu’on a en face de soi. Et puis après , il y a l’expression de l’individualité.

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